Le dernier lundi, 21 mars 2022, a eu lieu une conférence au sujet de la guerre en Ukraine intitulée „Ukraine face à la guerre. Solidarité internationaliste!“ avec participation de Carine Clément, Pierre Coutaz (CGT) et Bernard Dréano (European Assembly of Citizens). La conférence a été organisée par ATTAC France (https://youtu.be/rglelsUc1DE).

Nous avons déjà cité les commentaires de Carine Clément qui a beaucoup souligné le profond écart entre les élites russes et les gens de province, éloignées de la vie des grandes villes. Tous les propos des intervenants étaient très compétants, que vouloir de plus? Mais, pour en parler au plan général, cette conférence a donnée l’impression que la gauche occidentale regarde notre coin de l’Europe comme un lieu où se trouve une poignée de bons sauvages qui ont leurs idées simples (simplistes, peut-être), mais apparemment ils voient plus clair, parce qu’ils sont plus près de la nature.

C’est une façon très dangereuse de penser, parce qu’elle permet de continuer le chemin qui nous éloigne des idées socialistes en faveur des idées plus à la mode – nationalistes et populistes.

Pendant les années 1980-1990 nous avons déjà connu la victorieuse „conquiste“ de la gauche occidentale qui nous enseignait sur place que le problème le plus important du marxisme contemporain consistait en lutte contre l’opression des minorités sexuelles et culturelles. Ceux qui n’étaient pas d’accord étaient traités de staliniens sans prendre en considération les idées politiques anti-stalinistes qu’ils présentaient. Après 30 ans, vous vous êtes reconcilliés avec les staliniens „réformés“. Pas nous.

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Le problème le plus important, sans se poser lequel on ne peut pas aborder la question de la guerre présente de la Russie en Ukraine, c’est le problème du capitalisme tel qu’il est. Après la chute de l’URSS et la décomposition de son économie, quel était le rôle que l’Ouest victorieux avait prévu pour la Fédération Russe (sans parler d’autres pays postsocialistes) sans aucun désaccord de la gauche occidentale? C’était le rôle d’une sémi-périphérie sous-développée, un annexe à l’économie européenne.

Pour la Russie (et pour l’Ukraine)‚ c’était pire encore, parce-que elle ne pouvait en aucune façon s’intégrer à l’économie occidentale à la façon dont s’intégraient les autres pays post-soviétiques. Comme économies subalternes, dépourvues de leur propres industrie, mais toujours. Comment, dans ces conditions-là l’économie russe pouvait-elle se développer? En autarcie, comme dans les temps de la Russie soviétique? Mais à quoi bon servait de changer de système? Pour en revenir à avoir à combattre une fois de plus les capitalistes, maintenant sous forme d’oligarchs? Et, en même temps, comment voulez- vous voir un tel système politique devenir une démocratie florissante?

Le vrai obstacle, c’est toujurs le système capitaliste. Mais, est-ce que, après la chute du système soviétique, la gauche occidentale, a-t-elle progressé d’un pas dans sa lutte contre le capitalisme? Après s’être débarassée de l’odieux du stalinisme? Non, elle était contente de connaître encore une trentaine d’années de relative bien-aisance du „capitalisme social” qui dégénerait certes, mais à pas parfois ralenti, parfois accéléré.

La gauche a continué de lutter contre les méfaits du capital, mais en faisant bien attention à ne pas faire trébucher le capitalisme comme tel. Evidemment, sous le prétexte de préserver la très chère démocratie (bourgeoise, bien entendu).

Cependant, le capital continuait cyniquement à faire du business avec la sémi-périphérie dans son propre intétêt et dans l’intérêt de la très chère démocratie. Cela n’a pas aidé à faire progrésser le bien-être de la population russe, mais était suffisant pour se faire passer pour une sémi-démocratie. Cependant, cette situation ne pouvait pas durer à l’infini. Les gens des couches plus élévées ont des ambitions pour vivre comme en Occident, alors les gens d’en-bas doivent travailler avec encore plus d‘acharnement pour que cela puisse se réaliser. Et la démocratie bourgeoise permets à la gauche progréssiste de lutter pour que les gens d’en-bas profitent eux aussi quelque peu de ce travail. Chez vous ça s’appelle la lutte contre le capitalisme.

L’économie de sémi-périphérie a plus de problèmes que celle du capitalisme developpé: la population avec des occupations au niveau des sociétés développées exige plus (voir l’exemple du secteur IT en Biélorussie), donc la société va forcément vers le système plus inégalitaire encore. Pour maintenir dans ces conditions la paix sociale, la démocratie est évidemment peu efficace. Vous, la gauche progréssiste, vous exigez une démocratie là, où elle est complètement inopérable, au désespoir des ouvriers.

Vous savez ce qu’il faudrait faire pour qu’un régime authoritaire comme celui en Russie devienne obsolète, non-efficace et infonctionnel? Il faudrait que l’économie russe ait un bon choix de s’intégrer à une économie socialiste. Et les ouvriers pour quoi lutter contre l’autoritarisme. Pour le moment, ils n’ont que le choix entre particuliers capitalismes qui s’en valent l’un l’autre. Aucun modèle n’offre pas de démocratie conçue pour les ouvriers. Et comme les ouvriers devront alors se révolter plus décidemment contre le pouvoir anti-démocratique, la démocratie restera toujours un rêve.

Pratiquement, la gauche conçoit sa tâche comme celle de prévenir la révolte des ouvriers en leur imposant les aspirations des couches qui ne perçoivent pas le capitalisme comme leur ennemi mortel, mais seulement la grande bourgeoisie comme obstacle à la politique plus égalitaire de répartition des revenus qui sont le fruit de l’exploitation des producteurs directs.

Pour être bref – ce qui en découle, c’est que la solution est entre les mains de la gauche progréssiste en Occident. Malheureusement, ce que cette gauche sait faire, c’est de soigner les blessures dûes au capitalisme, mais jamais lever la main contre le capitalisme lui-même. Sans en cesser avec le capitalisme développé dans vos propres pays, les pays sémi-périphériques comme la Russie n’auront jamais la chance de sortir du piège où ils se sont retrouvés il y a plus de trente ans. Bref, si la gauche occidentale n’arrive pas à vaincre le capitalisme dans son nid, tous les pays en-dehors du Centre capitaliste resteront autocratiques à perpétuité. Avec des épisodes sanglants du sort que l’ont voit aujourd’hui.

On a assez dénoncé que la Russie tsariste a été trop en retard par rapport aux pays du capitalisme développé pour qu’une révolution socialiste puisse y réussir. Mais depuis le temps de la Révolution russe, la gauche du monde capitaliste développé n’a pas bougé d’un pied pour s‘approcher de la révolution socialiste „comme il faut“.

Selon notre opinion, la Russie de Poutine a tourné vers l’idée impériale parce qu’elle a compris qu’elle n’avait aucune chance de devenir une démocratie bourgeoise. Mais l’idée impériale n’est pas le synonime de l’impérialisme. A part que les deux sont également parfaitement odieux. Cependant, le facteur actif reste l’impérialisme. Non seulement un empire (comme en Arabie Saoudite), mais aussi l’autorité des clans, des oligarchs, etc. servent comme des formes diverses d’intermédiaire entre les richesses du pays et les exploitateurs capitalistes. Ils vont main en main. Ils sont même entredépendants. La démocratie impérialiste efficace exige l’existence de l’autocratie efficace ailleurs.

Et cela durera autant que la gauche progréssiste en Occident ne fasse pas son boulot à elle et ne mette pas fin à l’existence du capitalisme.

Malheureusement, ce que nous pouvont observer de nôtre coin (enclin à l’autoritaire) de l’Europe, c’est que la gauche progréssiste en Occident semble satisfaite et très contente d’elle-même pour toutes ses actions où elle peut passer pour très sensible et très préoccupée par les malheurs des autres. Les malheurs qui ne sont pourtant que l’effet de son propre délaissement de la tâche de vaincre le capitalisme. Il vous semble que le temps s’est arrêté et que l’accumulation des effets néfastes du capitalisme, de l’impérialisme n’avance pas? Est-ce que vraiment vous ne voyez pas que c’est le capitalisme qui essaie de fuir ses propres convulsions, ses propres contradictions grâce à des solutions normales pour lui – les guerres? Et qu‘est-ce que vous en faîtes de ce savoir?

En rejettant la faute sur le régime de Poutine (formellement vous avez absolument raison), vous êtes en train de blanchir les pouvoirs impérialistes qui sont les vrais coupables et provocateurs. La population de l’Ukraine n’est pas contre les Russes, surtout celle qui parle le russe et qui n‘est pas minoritaire. Cette population est contre l’idée impériale de la Russie et pour la démocratie. Mais est-ce qu’elle a le choix de se battre sous les drapeaux du socialisme?

Est-ce que l‘Europe est-elle prête à accueillir l’Ukraine dans l’Union Européenne? Elle a montré suffisemment clairement sa postion pendant les 8 longues années qui se sont écoulés depuis le Maidan. Années où le bain de sang à Donbass n’a pas cessé d’une semaine. La gauche de l‘Ouest a ignoré le fait que Zelensky a été élu dans un vote largement majoritaire pour en finir avec la politique anti-russe du régime ukrainien et qu‘il a tourné le dos à ses électeurs dès qu’il s’était trouvé au poste du président. Vous affichez que le vote pour les nationalistes faschisant de l’Ukraine est très bas. Oui, certes, la population a bien peur d’eux. Mais vous ignorez que cette minorité de faschistes-nationalistes ukrainiens (crée sous les guvernements précedant le Maidan et déclenchée après) exercent une pression très forte sur les gouvernements ukrainiens consécutifs, ce qui explique le miraculeux changement de peau de Zelensky.

La gauche a ignoré ce que le capitalisme occidental a profité de saisir les richesses de l’Ukraine et l’a tournée en instrument de pression des Etats-Unis contre… oui, demandont bien contre qui – contre l’Europe. Non pas contre la Russie qui n‘est qu’un pion dans ce jeu d’échecs. Le Nord Stream 2 étant une tentative de saboter la dominance américaine en Europe, efféctué par la Germanie. La souverainté économique de l’Europe est ici en jeu. Nous ici, en Pologne, nous savons très bien ce que signifie la coopération russo-gérmanique. Rien de mieux que l’impérialisme américain. La guerre des puissances se déroule en guise de guerre proxy. Pour le moment…

Mais quel choix pour la gauche?

On sait que les capitalistes européens seraient contents de continuer de recevoir le gaz russe dont sont dépendantes les entreprises européennes. Et ils savent compter. Pour la Russie c’est la seule façon de développer son économie en tant qu’une économie capitaliste dépendante. Pas d’autre choix si le capitalisme continue.

Il y a encore une question importante à se poser: quelle est la perspective qui s’ouvre devant la gauche russe si les libéraux d’orientation pro-Occident gagnent en Russie? Est-ce que vraiment vous croyez que se sera la grande réussite de la gauche? Ou plutôt son débâcle? Est-ce que vous croyez que le processus qui va gagner du terrain en suite de cette guerre – n’importe son résultat – ne sera pas néfaste pour les organisations de gauche en France et dans toute l’Europe Occidentale? Toute position nuancée sera une preuve de collaboration avec le „bolshévisme-tsarisme“, puisque l’Union Soviétique n’était que l’autre nom de l’empire russe stalinien avant la lettre? Qu’importe la logique?

Donc, la seule possibilité de faire arrêter la guerre impérialiste avec ses conséquences, c’est de mettre fin au capitalisme. Et aujourd’hui cette tâche est plus pressante que jamais. C’est la tâche de la gauche de l’Occident avant tout. Si vous ne le faites pas, passez sous silence des reproches hypocrites si notre révolution socialiste ne sera pas digne de vos idéaux impuissants.

Ewa Balcerek
23 marca 2022 r.

 

Załącznik: https://youtu.be/rglelsUc1DE